« Dans le dialogue interreligieux et le dialogue interconfessionnel, il est important d’assurer à chacune des parties la possiblité de présenter authentiquement sa position », a déclaré le Primat de l’Église orthodoxe russe au cours de sa rencontre avec les membres du Conseil européen des responsables religieux, communique le service de presse du Patriarche de Moscou.

Revenant sur son expérience personnelle de participation aux contacts interreligieux et interchrétiens, le Patriarche a expliqué que « présenter authentiquement sa position signifiait en quelque sorte jeter un défi aux autres et devenir même embarrassant pour la majorité », ce qui entraîne parfois « de sérieux tourments psychologiques ». Suivant Sa Sainteté, « dans le difficile contexte du dialogue », une certaine inégalité des forces en présence est inévitable, leurs possibilités pouvant être limitées par des facteurs politiques, intellectuels ou psychologiques. C’est pourquoi « il faut créer une atmosphère et un système d’équilibre qui permettrait d’exprimer sa position sans subir l’influence de la majorité ».

Comme le remarquait le Primat, grâce à la puissance des médias, ce n’est plus la majorité de la population du globe terrestre qui fait aujourd’hui office de force dominante, mais la puissante minorité sécularisée. « Et lorsque vous voulez rester orthodoxe, ou musulman, ou hindouïste et jetez un défi à cette puissante minorité, le plus souvent, vous êtes perdant : on ne vous entend pas, ou les médias font de tels commentaires qu’il ne reste plus rien de votre témoignage initial. C’est la réalité dans laquelle nous vivons », a constaté le patriarche Cyrille.

« On peut donner une réponse radicale à cette réalité, renoncer au dialogue, renoncer à toute espèce de tentative d’influer sur le monde qui nous entoure et nous renfermer sur nous-mêmes, a poursuivi le Patriarche. C’est cette perception du monde qui sert de fondement au fort courant anti-œcuménique au sein de l’Église russe. »

« Il y a une autre possibilité : se rendre au vainqueur, être politiquement correct, répéter le mantra séculariste. Alors la presse dira que vous êtes progressiste, vous donnera en exemple. Mais ce ne sera plus votre contribution authentique au discours international, ce sera votre défaite, car vous vous serez rendus à la merci du plus fort », prévient les leaders religieux le Patriarche Cyrille.

« Il y a enfin une troisième voie, la plus difficile : tenter de présenter authentiquement sa position », a dit le Primat, appelant à « chercher des amis et des alliés dans les autres religions, dans les autres traditions, parmi les gens du monde, les penseurs, les philosophes, les politiques, les diplomates ».

« Un système fondé sur la confiance, équilibré, suivant une bonne méthodologie doit produire de remarquables résultats : le dialogue interreligieux doit donner un produit intellectuel et spirituel de qualité, est convaincu Sa Sainteté. Il est très facile de signer une déclaration : personne ne prend aucune responsabilité, et personne d’autre ne lit ces déclarations. Dans les groupes interreligieux, on parle de paix et d’amitié, tandis qu’au Proche-Orient, au Caucase du Nord et en Europe des bombes explosent. Au premier niveau, le dialogue politiquement correct, au second, la réalité, dure et parfois effroyable. Mais si nous nous mettions à produire des résultats convaincants, si nous bâtissions un système de communications avec la base au moyen de nos communautés religieuses, de nos paroisses, de nos groupes interreligieux, de nos initiatives privées, nous pourrions véritablement apporter une contribution unique à l’œuvre de la paix et de la justice, à la défense des droits de l’homme et de la dignité humaine. »

« A quel point est-ce réaliste ? Je ne sais pas, je vous partage simplement ma vision des choses, mon rêve. Je pense que si nous pouvions construire ce type de dialogue interreligieux, il serait largement soutenu par les masses. Mais sans le soutien de la base, la valeur de nos rencontres est très limitée », a conclu le Primat de l’Église orthodoxe russe.