Le patriarche Cyrille : Il n’y a pas de conflit entre Constantinople et Moscou, mais Moscou défend les normes canoniques intangibles
Le 28 octobre 2018, Sa Sainteté le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a présidé la célébration de la Divine liturgie à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés, rue Bolchaïa Ordynka, à Moscou.
Après l’office, au cours des agapes, le primat de l’Église orthodoxe russe a prononcé un discours sur l’unité spirituelle des peuples dont l’Église orthodoxe a la responsabilité pastorale, et sur les désordres causés dans le monde orthodoxe par les actes inamicaux du Patriarcat de Constantinople.
« Je garde de bons souvenirs de ma visite en Biélorussie, de la réunion du Saint-Synode à Minsk. J’en suis revenu revigoré. Nous sommes effectivement unis, spirituellement et canoniquement, et l’épiscopat, le clergé et les fidèles de l’Église orthodoxe biélorussie sont éduqués dans l’idée de cette unité canonique » a dit le patriarche, partageant ses impressions de voyage en République biélorusse.
Revenant sur la situation en Ukraine, le patriarche Cyrille a exprimé sa certitude que ce pays était devenu un « champ de discorde » sous l’influence de forces étrangères. « Trop de forces géopolitiques et financières sont en jeu en Ukraine, aujourd’hui, cherchant à déchirer l’espace historique de la Sainte Russie, a souligné le primat. C’est pourquoi je suis particulièrement reconnaissant à l’épiscopat de l’Église orthodoxe ukrainienne qui reste fidèle et uni dans ces conditions difficiles, prêchant ce qui correspond à la vérité historique. »
« Dans les faits, l’Église en Ukraine continue à faire ce que nous avons fait à l’époque soviétique. L’idéologie était contre nous, et nous annoncions la vérité du Christ. Nous le faisions sans chercher à provoquer le pouvoir, mais nous le faisions » a ajouté Sa Sainteté le patriarche Cyrille.
Le primat a déclaré que l’unité de l’Église n’avait aucun rapport avec un système de direction impérial, il s’agit d’une unité spirituelle, intellectuelle, civilisationnelle des peuples de la Rus’ historique. Selon Sa Sainteté, les chroniqueurs antiques appelaient leur pays « Rus’ », « terre russe », sans faire de différence entre l’Ukraine, la Biélorussie et la Grande Russie, « nous sommes tous les héritiers des Ross, comme les Byzantins appelaient nos ancêtres, quoiqu’on en dise, quelles que soient les idées historiosophiques incongrues qu’on veuille aujourd’hui imposer aux esprits ».
« Nous sommes effectivement un seul peuple, et je n’ai jamais peur de le dire. Nous avons des dialectes différents, des particularités culturelles différentes, mais nous sommes un seul peuple, sorti du baptistère de Kiev. Dieu fasse que le Patriarcat de Moscou, qui nous unit non pas au niveau politique ou économique, mais au niveau spirituel, demeure et continue à nourrir spirituellement toutes les ethnies que rassemble la grande Rus’ historique » a dit le primat.
« Quant aux derniers agissements de Constantinople, je tiens à préciser qu’il n’y a aucun conflit entre Constantinople et Moscou ! Il y a que Moscou défend les normes canoniques intangibles, a déclaré le patriarche. Si l’une des Églises soutient les schismatiques, si une Église enfreint les canons, elle cesse d’être une Église orthodoxe. C’est pourquoi la position de l’Église orthodoxe russe, qui a cessé de faire mémoire du patriarche de Constantinople, ne concerne pas les relations entre deux Patriarcats, il s’agit de la nature même de l’Église orthodoxe. »
« J’ai discuté un jour de la primauté de Constantinople avec le père Alexandre Schmeman, ce célèbre théologien russe et américain. Il a eu ces sages paroles : « Si nous avons vraiment besoin d’un pape, autant s’adresser à celui qui a le plus d’expérience », voulant dire que ce ne serait sûrement pas au patriarche de Constantinople. Mais nous n’avons pas besoin de pape ! Nous sommes profondément convaincus que la direction collégiale de l’Église est la seule qui soit juste. Si quelqu’un s’immisce dans la juridiction des autres Églises, il transgresse tous les canons, et la seule réponse possible à ces transgressions éhontées, est notre réponse sereine : nous ne pouvons plus communier avec vous, vous avez enfreint les canons, vous vous êtes écartés de l’Orthodoxie. Que Dieu soit votre juge ; et Dieu sera juge » a souligné le patriarche Cyrille.
« Nous vivons un moment historique, qu’on peut comparer à l’époque du concile de Ferrare-Florence et de l’union. A l’époque, le métropolite de Kiev, de Moscou et de toute la Russie Isidore, reniant l’Orthodoxie, s’est cru au sommet du pouvoir, a cru qu’il soumettrait tout au siège de Rome. Mais il a été chassé par le grand-prince, par le clergé et par le peuple, a rappelé le patriarche. Cette résistance de notre peuple, de notre clergé et de notre épiscopat à toute sorte de mauvais tours, à l’hérésie et au schisme est le garant de la sauvegarde de l’Orthodoxie à l’échelle mondiale, le garant de la sauvegarde de notre unité. »
« Je suis heureux que les dernières décisions de la hiérarchie ait été parfaitement comprises du peuple croyant, de l’épiscopat, du clergé. Certes, le patriarche traverse une période difficile. Mais c’est toute l’Église orthodoxe russe qui traverse cette période difficile, l’Orthodoxie dans le monde. C’est pourquoi je vous demande de rester unis et de prier pour l’Église russe et pour toute l’Orthodoxie » a conclu le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie.