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Le 12 septembre 2020, le métropolite Hilarion de Volokolamsk a répondu aux questions de la présentatrice Ekaterina Gratcheva, dans l’émission « L’Eglise et le monde » (Tserkov’ i mir), diffusée sur la chaîne de télévision « Rossia-24 » les samedis et les dimanches,.

E.Gratcheva : Bonjour ! Ici l’émission « L’Eglise et le monde ». Nous interrogeons le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, sur l’actualité de l’Eglise et du monde. Monseigneur, bonjour.

Le métropolite Hilarion : Bonjour, Ekaterina. Bonjour, chers frères et sœurs !

E.Gratcheva : Au début de la saison, nous avions décidé de ne plus parler de la pandémie de coronavirus après le 1er septembre, mais je souhaite malgré tout revenir à ce sujet. Le Saint-Synode y a consacré beaucoup de temps et en a tiré des conclusions, notamment concernant son organisation interne. Lesquelles ? Vos paroissiens viennent-ils vous poser des questions sur l’épidémie, vous demandent-ils s’il faut ou non se faire vacciner ? Que leur répondez-vous ?

Le métropolite Hilarion : A la dernière réunion du Saint-Synode, nous avons fait le bilan de la conduite des hiérarques et des prêtres au début de l’épidémie. Vous vous souvenez à quelle difficile situation l’Église s’est trouvée confrontée pendant la Semaine sainte. Pâques approchait, c’est le moment où les gens se pressent dans les églises, puisque ce sont les jours les plus saints de l’année. Mais, à la demande des autorités civiles et sanitaires, il a fallu prendre une décision qui nous a beaucoup coûté : les offices de la Semaine sainte et de Pâques ont dû être célébrés à huis clos. Le patriarche a expliqué clairement comment se conduire dans cette situation. La majorité absolue des hiérarques et des prêtres a fait preuve de responsabilité, mais certains ont désobéi au patriarche, ont préféré agir à leur guise et laisser les églises ouvertes. Certains se sont rendus involontairement coupables de la mort de paroissiens ; ces situations ont été discutés pendant la réunion du Saint-Synode, et les décisions qui s’imposaient ont été prises.

Quant au vaccin, il est maintenant possible de se faire vacciner, en tous cas à Moscou. Ce vaccin a été certifié par l’état, on continue à l’expérimenter. Si l’on me demande s’il vaut mieux se faire vacciner ou attendre, je réponds qu’il vaut mieux se faire vacciner, et le plus tôt sera le mieux, les risques étant minimes. On connaît les effets secondaires de la vaccination : un peu de fièvre pour une soirée, une certaine faiblesse, de la somnolence, mais cela n’est pas comparable aux tourments que vivent les malades du coronavirus. Les personnes âgées ne sont pas seules concernées, d’ailleurs, les jeunes gens aussi. Les risques sont incomparables. Donc oui, je recommande vivement à ceux qui le peuvent de se faire vacciner au plus tôt.

E.Gratcheva : Monseigneur, le 58e tome de « l’Encyclopédie orthodoxe » est sorti récemment, avec la suite de la lettre « P ». Un certain nombre de médias d’opposition ont étudié ce tome et découvert qu’il contenait tout un article sur Poutine. C’est la première fois que « l’Encyclopédie orthodoxe » consacre un article à un président en exercice. Les mécontents se demandent ce que fait Poutine dans « l’Encyclopédie orthodoxe ».

Le métropolite Hilarion : L’Encyclopédie orthodoxe est une source de connaissances unique en son genre, non seulement sur l’Église orthodoxe, mais sur de nombreux autres thèmes, parmi lesquels l’Église catholique, l’histoire de l’Église, l’histoire contemporaine, qui se poursuit de nos jours. Le président Poutine fait déjà partie de l’histoire. Il y a des articles sur Gorbatchev, sur Eltsine, dans « l’Encyclopédie orthodoxe ». Pourquoi n’y en aurait-il pas sur Poutine ?

Les tomes de « L’Encyclopédie orthodoxe » ont pour particularité de sortir par ordre alphabétique. Certains mourront avant que l’article sur leur personne soit dans l’Encyclopédie. D’autres sont toujours vivants, et l’article qui les concerne existe déjà. Il y a un article sur moi, dans « l’Encyclopédie orthodoxe », quoique je sois vivant, et un article sur chacun des évêques de l’Église orthodoxe russe. Ces articles peuvent perdre en actualité, puisque les hiérarques changent de siège épiscopal ou reçoivent de nouveaux titres, mais les tomes de l’Encyclopédie reflètent, d’une part, la situation au moment de leur sortie, d’autre part, sont dépendants par la lettre à laquelle ils sont consacrés. Le 58e tome, c’est une partie de la lettre « P », donc le tour est venu de présenter le président Poutine.

E.Gratcheva : Les opposants ont aussi mis souligné que l’article sur le patriarche occupe 200 pages dans l’Encyclopédie : c’est plus que les articles sur le Christ et sur Dieu bout à bout. Pourquoi l’article sur le patriarche est-il si long ?

Le métropolite Hilarion : La question me concerne directement, puisque je suis l’auteur de l’article sur le patriarche Cyrille. Consultez l’Encyclopédie, et vous verrez que dans les premiers tomes – les lettres « A » et « B » – les articles sont souvent très courts, même lorsque le thème est très important. L’article sur les anges occupe, si je ne me trompe, deux pages ; celui sur la Mère de Dieu, seulement huit pages. Ce n’est pas parce que ce sont des sujets sans importance, mais parce que « l’Encyclopédie orthodoxe » a mis du temps à démarer. Tous les articles des premiers tomes n’ont pas la qualité des tomes plus récents. Le volume des articles n’est pas dicté par l’importance du sujet (…)

Il faut tenir compte de ces différents faits. Ceux qui comparent le volume des articles et en tirent des conclusions font preuve d’un évident manque de compétence en tentant de déterminer de cette manière l’importance des sujets abordés dans « l’Encyclopédie orthodoxe ».

E.Gratcheva : Monseigneur, nous avons parlé plus d’une fois de la décision d’Erdogan de reconvertir la basilique Sainte-Sophie d’Istanbul en mosquée. Erdogan assurait que rien ne changerait pour les touristes, que l’entrée serait libre pour tous et que les mosaïques byzantines ne seraient voilées que pendant les services musulmans. Les mosaïques sont justement ce que les touristes viennent voir. Mais la parole d’Erdogan n’est pas respectée : il paraît que les femmes ont un accès limité à l’église, que les mosaïques sont constamment recouvertes d’un voile, que personne ne les voit plus. Pire encore, les autorités turques ne se sont pas arrêtées là, on a appris fin août qu’un autre bâtiment unique, le monastère chrétien de Chora avait aussi reçu le statut de mosquée. L’Église orthodoxe russe fait-elle quelque chose pour arrêter l’islamisation des sanctuaires chrétiens ?

Le métropolite Hilarion : Lorsqu’il était encore seulement question de reconvertir Sainte-Sophie en mosquée, le patriarche Cyrille avait publié une déclaration, suivie d’une déclaration du Saint-Synode de l’Église orthodoxe russe. Les deux textes exprimaient l’inquiétude de l’Église, car Sainte-Sophie était destinée à être une église chrétienne, elle porte le nom de Jésus Christ, et elle restera toujours une église chrétienne à nos yeux.

Le statut de musée, qu’elle possédait auparavant, n’était pas idéal, certes, mais il permettait au moins aux gens de différentes confessions, ainsi qu’aux incroyants, de venir contempler ce sanctuaire étonnant, notamment ses mosaïques uniques au monde. Il n’y en a d’ailleurs pas beaucoup qui ont été conservées. Ce sont la mosaïque de la Mère de Dieu, dans la coupole, qui date du IXe siècle ; il y a même un sermon du patriarche Photius de Constantinople, de la même époque, qui décrit cette mosaïque et explique son importance pour l’Église orthodoxe. Sur les galeries et ailleurs, on trouve aussi des mosaïques étonnantes, plus récentes, datant des XIIIe et XIVe siècles, qui sont aujourd’hui recouvertes de voiles et auquelles l’accès est limité. Personne ne les voit plus, malgré les promesses des autorités turques.

Quant au monastère de Chora, c’est un monument unique du patrimoine byzantin, un monastère chrétien qui possède des mosaïques et des fresques des XIIIe et XIVe siècles. Alors que les mosaïques de Sainte-Sophie occupent relativement peu de place, les fresques et les mosaïques du monastère de Chora sont beaucoup mieux conservées. Si l’on transformait cette église en mosquée, les murs, avec ces témoins extraordinaires de l’art byzantin, seront complètement cachés. Soit ils seront recouverts de rideaux, soit on les passera à la chaux, à moins qu’on ne les casse au marteau, comme cela s’est souvent fait dans l’histoire.

Nous ne pouvons pas ne pas exprimer notre inquiétude, et nous continuerons à rappeler au monde entier que des monuments du patrimoine chrétien sont aujourd’hui profanés.

E.Gratcheva : Il y a quelques jours, Ilon Mask a présenté un cochon, dans le cerveau duquel on avait introduit une puce fabriquée par sa compagnie, Neuralink. Mask insiste, naturellement, sur les avantages dont disposeront ceux qui se feront introduire une puce semblable : écouter de la musique sans appareil supplémentaire, diagnostiquer son état de santé, prévenir les infarctus, les attaques cérébrales, etc. Il ne parle évidemment que des avantages de son invention. A votre avis, est-ce un progrès technologique ou l’apocalypse matérialisée ?

Le métropolite Hilarion : J’estime que toute intervention sur la nature humaine, y compris sur le cerveau humain, est lourd de conséquences dangereuses et imprévisibles pour l’ensemble de l’humanité. Quand on introduit un corps étranger, un cardiostimulateur, par exemple, pour soigner quelqu’un, c’est une chose. Il n’y a rien à redire. Mais s’il s’agit d’appareils qui pourraient permettre de contrôler la conduite, d’influer sur le mode de pensée, de contrôler les actes des personnes, de savoir ce qu’elles font, on va vers quelque chose de dangereux, qui peut avoir des conséquences imprévisibles. Qui accepte cette intervention se remet, volontairement ou involontairement, dans les mains d’étrangers, et il ne sera plus en état de contrôler son existence. Je pense qu’il faut voir le danger en face et tout faire pour s’opposer à ces tendances.

E.Gratcheva : Merci beaucoup, Monseigneur, d’avoir répondu à nos questions.

Le métropolite Hilarion : Merci, Ekaterina.

Dans la seconde partie de l’émission, le métropolite Hilarion a répondu aux questions posées par les téléspectateurs sur le site du programme.

Question : J’ai regardé plusieurs séries de votre film sur Jésus Christ. Ainsi, la vie de cet Homme a constitué une exception à toutes les normes ?

Le métropolite Hilarion : Oui, Jésus Christ était un Homme exceptionnel. Dans mon film, sorti au printemps, j’essaie justement de montrer tout ce qu’a d’exceptionnel la personne de Jésus Christ. Je me suis, notamment, efforcé de montrer et de prouver que Jésus Christ n’était pas un homme ordinaire, mais Dieu incarné. Ce n’est qu’à la lumière de la foi en Jésus comme Dieu incarné que Son histoire humaine prend sens, que Sa passion, Sa mort sur la croix et Sa résurrection d’entre les morts prennent un sens.

En même temps, le mystère de la personne de Jésus Christ tient à ce qu’étant Dieu, Il était en même temps un homme vivant, ayant absolument toutes les propriétés de l’homme, hormis le péché : Il pouvait être fatigué, avoir faim, envie de dormir ; Il se mettait en colère, se réjouissait ; toute la gamme des sentiments et des émotions humaines lui était accessible. En ce sens, c’était un homme ordinaire, en même temps qu’il était extraordinaire, puisque le péché Lui était complètement étranger, Sa nature humaine était unie à Sa nature divine. Il a toujours agi comme Dieu, en même temps que comme homme. Ses actes étaient humains, mais Dieu était présent dans Ses actes humains. Il disait des mots humains en langue humaine, mais c’était Dieu qui parlait aux hommes au travers de ces mots.

Quand on lit l’Évangile, quand on se laisse pénétrer par la parole de Jésus Christ, on cesse bientôt d’entendre la parole d’un homme ordinaire, pour la recevoir comme celle de Dieu, adressée à chacun. Si l’on considère que le Christ était un homme ordinaire, comme le pensait Léon Tolstoï, pour qui Jésus Christ était un prophète, un maître à penser, au même titre que Bouddha, Confusius ou Mahomet, alors le sens de Son histoire et celui de la Rédemption est totalement perdu. On dit bien que la mort de Jésus Christ sur la croix était une mort rédemptrice, qu’Il a souffert et qu’Il est mort pour le rachat des péchés. En ce sens, Il était un Homme exceptionnel.

(…)

Question : Je ne comprends pas pourquoi on considère le prince Vladimir comme un saint. C’était un assassin, un homme violent. Or, on lui élève des monuments, des sous-marins portent son nom. Je vous demande de m’expliquer, si possible.

Le métropolite Hilarion : S’agissant du monument et du sous-marin, le prince Vladimir est honoré en tant que grand homme de l’histoire russe, glorifié aussi parce qu’il a baptisé la Russie.

Pourquoi l’Église l’a-t-elle canonisé ? Avant tout pour ce geste : il a révélé la foi chrétienne aux Russes. Le prince Vladimir a assassiné et violé, mais avant son baptême. Quand on reçoit le baptême, Dieu pardonne tous les péchés commis avant. Les chroniques rapportent que le prince Vladimir est passé par une sorte de renaissance spirituelle ; il a été transformé, il a profondément assimilé la foi chrétienne.

Certains disent que le baptême de la Russie était un projet politique. Cela pouvait tout à fait être un projet politique, mais c’était, avant tout, le résultat d’un choix personnel. Le choix de son âme. Il s’est converti à la foi chrétienne de tout son être. Sa conduite a changé. Il a été radicalement renouvelé. C’est à cause de cette renaissance et parce qu’il a révélé aux Russes la foi en Jésus Christ que l’Église l’a glorifié et le glorifie.

Question : Pourquoi la trahison ne fait-elle pas partie des péchés mortels ?

Le métropolite Hilarion : Les listes de péchés mortels sont une invention assez tardive. Quand on parle des péchés, on ne devrait pas les classer en différentes catégories. En effet, la trahison est un péché très grave. Pour en comprendre toute la gravité, il suffit de lire l’histoire de Judas dans l’Évangile. Il faisait partie des Douze apôtres, et il a trahi Jésus Christ. On sait comment cela s’est terminé pour lui. Le fait que les quatre évangélistes aient rapporté cette histoire dans leur récit témoigne justement de la gravité de ce péché.

Je terminerai cette émission en citant l’apôtre saint Jean, dans sa première épître : « Quiconque est né de Dieu ne pèche point; mais celui qui est né de Dieu se garde lui-même, et le malin ne le touche pas » (I Jn 5,18).

Bonne continuation. Prenez soin de vous, prenez soin de vos proches, et que Dieu vous garde !